Pathogènes et maladies: l’aquaculture à filets ouverts permet la transmission de pathogènes et maladies entre le saumon d’élevage et le saumon sauvage
Les pathogènes, d’origine virale ou bactérienne, sont des micro-organismes qui peuvent causer des épidémies autant chez les animaux que chez les plantes. Tout être vivant est exposé à ces agents pathogènes dans leur environnement naturel. Ils sont aussi présents dans le milieu marin et en affectent ses habitants. Avec l’élevage du saumon, les enclos à filets ouverts augmentent considérablement la densité de poissons dans un espace fermé pour une durée prolongée. Ces conditions dérangent l’équilibre naturel et créent un milieu idéal pour la multiplication et la propagation de pathogènes pouvant infecter les saumons sauvages se trouvant à proximité.
Les éleveurs surveillent de très près la santé de leurs saumons et ont des protocoles strictes de bio-securité afin de les protéger contre les maladies et les pathogènes. Mais alors qui surveille la population de saumon sauvage contre ces maladies?
Bien que le nombre de poux de mer près des élevages est bien documenté car ils sont visibles à l’oeil nu et peuvent être compter, celui des micro-organismes, comme les agents pathogènes, est inconnu. Cela rend la tâche de déterminer le taux de mortalité chez la population de saumon sauvage par ces pathogènes presque impossible.
En fait, le gouvernement fait très peu pour s’assurer de la santé de la population de saumon sauvage, sauf en réponse à des incidents majeurs comme par exemple des morts inexpliqués en masse. Pendant les audiences publiques qui se sont tenues en 2011 durant la Commission Cohen sur le “Déclin du Saumon Sockeye dans le fleuve Fraser”, des chercheurs scientifiques des deux paliers de gouvernement, provincial et fédéral, ont reconnu que des agents pathogènes pouvaient avoir joué un rôle important dans le déclin du nombre de saumons sauvages du fleuve Fraser. Et pourtant, ils avaient maintenu initialement qu’il n’y avait aucune évidence que des maladies endémiques au saumon de l’Atlantique s’étaient répandues au saumon du Pacifique. Comme les audiences publiques de la Commission se terminaient, un nouveau développement changea le portrait que les chercheurs avaient dressé de la situation actuelle. Un certain virus, le virus de l’anémie infectueuse du saumon (VAIS), qui est mortel pour le saumon de l’Atlantique et cause bien des problèmes à l’Industrie aquacole mondiale, fut découvert par deux chercheurs de l’Université Simon Fraser dans deux échantillons de saumon Sockeye.
La Commission Cohen réouvre le dossier en tenant des audiences publiques orales afin de considérer ces nouvelles évidences. Comme les audiences reprenaient leurs cours, de nouveaux développements étonnants faisaient surface. Le responsable du Laboratoire de génétique moléculaire du Ministère des Pêches et Océans à la station biologique du Pacifique, Dr. Miller, affirma qu’elle avait retesté des échantillons datant de 1986 et avait découvert qu’ils étaient également positifs pour le même virus (VAIS) retrouvés dans les échantillons plus récents.
Dr Miller témoigna également avoir trouvé un parvo virus auparavant inconnu dans des échantillons de saumon Sockeye. Le poisson affecté avec ce virus avait treize fois plus de chance de mourir dans le fleuve avant la période de fraie que celui en santé.
Depuis la publication de ces découvertes fracassantes, dans le journal scientifique “Science” et revisées par des pairs, Dr Miller se voit interdire de faire des entrevues avec les médias et se fait même réprimander par le Ministère des Pêches et Océans pour avoir poursuivi cette étude. D’après son témoignage, elle se fait menacer de restrictions budgétaires et possiblement de perdre la collection considérable d’échantillons du laboratoire si elle persiste à travailler sur les problèmes de santé du saumon.
Après que la Commission Cohen eut fermé ses audiences publiques pour la deuxième fois, un autre virus, le virus de la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI), fait la une dans les manchettes. Ce virus est un agent pathogène endémique au saumon du Pacifique et est tellement commun qu’il est connu sous le nom de “maladie du Sockeye”. Le saumon de l’Atlantique n’a pas de résistance naturelle contre le virus NHI et des épidémies dans la population du saumon d’élevage ont eu, dans le passé, des conséquences économiques désastreuses sur l’Industrie de l’aquaculture en Colombie-Britannique. Les éleveurs affirment qu’ils ont des vaccins pour protéger leurs stocks de poissons contre le risque de maladie. La question logique à se poser alors est: “Pourquoi autant de fermes aquacoles sont mises en quarantaine et subséquemment détruisent entièrement leur stock de poissons?” La réponse à cette question est simple: les vaccins coûtent beaucoup d’argent et ne sont pas utilisés! Évidemment, les pertes financières subies par l’Industrie pour la destruction de leur stock sont énormes. Cependant, le risque de nuire à la population de saumons sauvages, causé par le virus se multipliant dans les enclos de saumons d’élevage et atteignant un niveau viral jamais observé en milieu naturel, demeure complètement inconnu.
Le Ministère des Pêches et Océans et l’Agence d’inspection des aliments du Canada soutiennent qu’ils sont en train de mettre sur pied des programmes de surveillance du saumon sauvage pour tenter de détecter les problèmes causés par les pathogènes dans le milieu naturel. L’intention de ce projet est de recueillir des échantillons de quatre bassins de rivières différents en Colombie-Britannique pour tester la présence du virus VAIS. Seulement un de ces bassins, Weaver Creek, fait partie du système du fleuve Fraser où le saumon sockeye est en chute alarmante. Les trois autres bassins d’échantionnage sont localisés le long de la rivière Skeena qui se situe loin des endroits qui ont testé positif pour le virus VAIS et loin des fermes aquacoles.
Si vous êtes interessés à lire le rapport sur l’effondrement de la population du saumon Sockeye dans le Pacifique.(PDF) (en anglais seulement)